Les agriculteurs
Le point de vue des agriculteurs constitue une position intermédiaire dans la controverse sur la surmortalité des abeilles. Les agriculteurs donnent en effet raison aussi bien aux apiculteurs qu’aux firmes agrochimiques dont les produits phytosanitaires sont très probablement responsables de la disparition des abeilles.
De par la nature de leur activité, les agriculteurs sont à la recherche de tout ce qui pourrait améliorer et régulariser leurs récoltes. De ce fait, ils sont favorables à l’utilisation d’intrants et ils sont particulièrement friands des deux pesticides qui étaient au cœur de la polémique ces dernières années : le Gaucho et plus récemment le Régent TS. L’efficacité de ces deux pesticides dans la protection des tournesols a convaincu les agriculteurs de leur utilité, puisqu’ils permettent de protéger la plante à tous les stades de son développement, du statut de simple graine à celui de plante mature prête à être récoltée. L’utilisation massive de pesticides a pour effet d'éradiquer les insectes nuisibles aux récoltes mais engendrent dans le même temps des dégâts collatéraux, comme en témoignent les nombreuses plaintes déposées suite à la pollution de cours d'eau et surtout à la chute brutale et inhabituelle observée dans les populations d'abeilles avoisinant les champs traités. L'activité des agriculteurs se fait donc au détriment de celle des apiculteurs. Le recours aux pesticides est ainsi largement plébiscité en France par les agriculteurs ( la France est le premier consommateur de produits phytosanitaires européen en volume utilisé ), ce qui instaure évidemment une forte dépendance des agriculteurs vis-à-vis des producteurs de pesticides et approuve la démarche des entreprises spécialisées visant à distribuer des produits phytosanitaires toujours plus performants.
Cependant, les agriculteurs reconnaissent la puissance des pesticides utilisés pour les cultures. A titre d’exemple, le Régent TS possède une toxicité telle qu’il représente la deuxième dose journalière admissible des substances actives utilisées en France. Si bien que certains agriculteurs avancent même l’idée d’un retrait du marché de ce pesticide du fait de sa dangerosité potentielle pour les abeilles mais aussi pour les hommes. C’est d'ailleurs ainsi qu’est lancé en février 2004 un numéro vert par la Mutuelle Sociale Agricole (MSA) pour permettre de signaler toute survenue de problèmes de santé pouvant être liés à l’utilisation du Regent TS ( éruption cutanée, apparition d’œdème, de prurit, assèchement des muqueuses). Une étude de la MSA évaluait déjà à près de 20% le taux d’utilisateurs de produits phytosanitaires souffrant de troubles divers. Cette nouvelle prise de position dans la controverse mêlant abeilles et pesticides vient alourdir les charges portées à l’encontre des industriels par les apiculteurs et il est certain que celle-ci jouera un rôle important dans les mois à venir.
Par ailleurs, la pollinisation de 80% des plantes dépend des abeilles. C’est pourquoi, en France, à l’initiative du syndicat des apiculteurs de Haute-Savoie, les agriculteurs et les apiculteurs sont sensibilisés au sujet de leurs métiers respectifs et de l’aide qu’ils pourraient mutuellement s’apporter. Ce projet a vu le jour dans le massif des Bauges en 2008, sous la forme de partenariats entre les deux milieux qui consistent en l’accueil de ruchers sur des champs destinés au départ à l’élevage laitier. Ainsi, agriculteurs et apiculteurs espèrent recréer l’association symbiotique ancestrale entre abeilles et plantes. Association qui servira leurs intérêts économiques réciproques puisque d’après une étude américaine récente la fertilisation artificielle des champs coûterait globalement 10 milliards de dollars en 2010 mais qui garantira également le maintien d’une biodiversité au sein des écosystèmes champêtres et forestiers.
Au final, les agriculteurs sont des acteurs déterminants pour la résolution de cette controverse. En effet, de leur orientation vers l’un ou l’autre acteur va dépendre la survie des abeilles et les conséquences qui en découlent.
Les autres acteurs : les écologistes, les apiculteurs, les firmes agrochimiques, les pouvoirs publics et les scientifiques.